Un triste anniversaire

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« Nous nous devons d’être là ! » c’est en martelant ces quelques mots que j’avançais mécaniquement en parcourant la colonne d’élèves silencieuse rassemblés au milieu de la cours. Ce Jeudi 8 Janvier 2015, à 11h 50, nous avions rendez-vous sur la place de la mairie de GABARRET, notre village. Je pense à toi, tu es avec moi, dans ma poche.

Cette petite place d’ordinaire si paisible, était ce jour-là notre point de ralliement, notre boussole, notre lieu de communion.

En passant le portail, je vis à droite les lycéens de Saint-Joseph déboucher en groupe de la rue des écoles, face à moi la clameur montait alors que des rues adjacentes les collégiens de Jules-Ferry convergeaient. Sur la place bondée, nous nous regardions sans vraiment comprendre, qu’y avait-il d’ailleurs à comprendre, puisque l’inconcevable, l’inexplicable avaient été atteints.

Une poignée de main par ici, deux mots par là et je reste bloqué, anéanti. J’attends le signal de Stéphane en fixant mes chaussures car je pense à toi et je serre mon manteau pour vérifier si tu es toujours là, dans ma poche.

Et puis l’instant arrive où le silence de la foule répond au fracas, où le recueillement collectif, massif, répond aux communautarismes étriqués, où un mouvement collectif de citoyens gabardans répond aux barbares solitaires.

Et quand, à la fin des applaudissements, la foule se dissipe lentement et que je regagne avec mes élèves notre collège, je sors de ma poche mon téléphone portable et je regarde la photo de ma fille maquillée en chat, prenant la pause, souriante en ce dimanche d’été.

A sa droite tu es là, souriant toi aussi dans ta chemise rose froissée, une pile de journaux sous le bras et tu me dis d’une voix douce: « Je peux me baisser si vous voulez… » Tu es si serein…

Passionné par les illustrateurs, je suis ton travail depuis si longtemps … alors ce dimanche 3 août 2014, à EAUZE, j’immortalise avec les personnes qui me sont les plus chères ce moment, cette rencontre avec toi.

Et je n’oublierai jamais le visage de ma fille, ce mercredi soir 7 janvier 2015, lorsqu’elle a vu ta photo à la une de tous les journaux télévisés, je n’oublierai jamais ses questions et je n’oublierai jamais mon silence.

Aujourd’hui, mardi 13 Janvier 2015, c’est ton anniversaire, tu aurais eu 77 ans.

CABU avec nous, dans notre cœur !

Aubert Cruchon

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